« Paudure, c’est l’école de la fraternité, de la coopération, de la tolérance et de la solidarité. » Mr JACOB, échevin de l’instruction de Deux-Acren, l’Echo des bois, mai 1937.
En sa séance du 5 novembre 1904, les membres du conseil communal déclarent à l’unanimité qu’il y a urgence de créer une école au hameau de Paudure : « Attendu que les hameaux d’Odeghien, Paudure et Colipain ont une population d’environ 800 habitants et au moins 50 enfants, des deux sexes, en âge d’école.
Considérant que ces hameaux sont distants de trois quarts de lieue de l’école de Mont-Saint-Pont. Considérant que les parents de ces hameaux hésitent en hiver et par les mauvais temps d’envoyer leurs enfants à l’école à une si grande distance et que leur instruction en souffre ». Sur base de ces éléments, les conseillers décident de faire établir une école primaire mixte à Paudure.
En 1907, cette école est une dépendance de l’école de Mont-Saint-Pont. Les bâtiments sont constitués d’une seule classe longue de neuf mètres, large de sept et haute de six, aux pavés gris sombres. Il y a trois fenêtres. A droite du corridor, un préau où s’abritent les moineaux. En 1932, le préau est transformé en seconde classe. Les murs sont badigeonnés de chaux verte. Les classes sont meublées de bancs pupitres à deux places et de très hautes armoires. En début d’année scolaire, les élèves installent dans un débarras un clapier où logent un lapin, des pigeons, et une petite bassecour. Dans un local voisin, on aménage une cuisine comprenant un buffet, une table et une cuisinière.
L’inspecteur cantonal Fernand DUBOIS décide de faire de la petite école de Paudure une école expérimentale active selon la pédagogie FREINET. Grâce à ce fonctionnaire, l’école de Paudure travaille dans une liberté totale : la mise en chantier de cette pédagogie basée sur l’expression libre et créatrice des enfants et sur le travail effectif de chacun est donc en principe sans aléas ni théoriques ni administratifs. Conscient de la multiplicité des tâches et des démarrages qui occasionnent des difficultés et qui désarçonnent parfois le corps enseignant, il ne leur demande ni journal de classe, ni registre d’appel, ni répartition de matières. Au cours des premières années de mise en train, il encourage sans cesse les instituteurs et est souvent présent dans leurs classes.
Il ne fait aucun doute que sans l’appui de Fernand DUBOIS, l’école de Paudure n’aurait pu devenir le champ d’expérience où est né le Mouvement belge de l’Ecole moderne. On lui doit son dévouement à la cause de l’homme libre et à la conception d’une éducation humaniste.
L’arrivée d’une imprimerie au sein de l’école permet aux petits et grands d’écrire pour être lus. Ils composent une revue « L’écho des bois » dont le premier numéro voit le jour en novembre 1932. Très tôt, des instituteurs belges rejoignent leurs confrères de Paudure, ce qui crée, grâce aux échanges, des possibilités de discussion et de critique. Ainsi se constitue le noyau de travailleurs qui lanceront par leur militantisme fraternel le mouvement belge de l’Ecole moderne. En contact permanant avec des enseignants français, hollandais, espagnols, suisses et allemands, Paudure est l’école expérimentale à laquelle on se réfère.
En 1936, des instituteurs d’écoles catalanes avec lesquelles Paudure est en correspondance visitent l’école, mais sont rappelés d’urgence pour défendre la république espagnole. Dans les années qui ont suivi, des enfants réfugiés espagnols sont hébergés à Braine-l’Alleud et quelques-uns fréquentent l’école.
L’école de Paudure a ses détracteurs. La lutte est serrée avec l’école libre catholique située dans l’église de Noucelles sous Wauthier-Braine. Bien que calme, avec des enfants en majorité polis et aimables, elle fait figure de révolutionnaire : n’a-t-elle pas une coopérative, signe évident de sa coloration collective !
En 1937, Célestin FREINET assiste à une réunion de parents à la petite école rurale de Paudure qui est devenue un véritable foyer culturel pour tous les habitants du hameau : les explosions de travaux, les conférences des jeunes, les fêtes, les soirées dramatiques réunissent tout le monde à l’école.
Une coopérative d’éducation populaire est constituée officiellement à Braine-l’Alleud le dimanche 12 juin 1938. L’aspect coopératif a toujours prévalu dans cette association ; chacun se doit de contribuer à la bonne marche de l’association, tel l’avait orienté Célestin Freinet.
Indépendamment des avantages matériels qu’elle procure, la coopérative scolaire est une école de solidarité, d’entraide et de civisme. Elle inspire aux écoliers le goût du travail personnel et le sens social en développant la conscience des devoirs et des responsabilités.
Viennent la seconde guerre mondiale et l’exode pour la quasi-totalité de la population. Le couple d’instituteur Mawet, leur fille Marie et deux jeunes espagnols partent en voiture en Touraine à Port-Boulet, puis chassés par les autorités françaises, ils se réfugient à Saint-plaisir dans l’Allier chez un instituteur de l’Education populaire. Comme il était communiste, le couple Mawet est appréhendé comme espions.
Heureusement, une permanence du syndicat des enseignants socialistes belges siègeait à Moulin et s’est portée garant pour eux.
Rentrés en Belgique fin juin 1940, ils découvrent dans leur classe la caisse de leur coopérative fracturée et pillée, l’armoire contenant les travaux de couture vidée.
Durant les quatre années d’occupation, la famille Mawet héberge plusieurs enfants de résistants belges et de parents juifs. Malgré sa situation privilégiée, l’école est fréquentée et n’échappe pas aux inquiétudes ni aux privations, ni aux frayeurs des alertes. Dès l’appel des sirènes, les enfants s’accroupissent sous les tables ou se sauvent dans l’abri creusé dans la cour.
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